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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇOISE

lement M. Necker cherchoit sans cesse à mettre des bornes au pouvoir ministériel, parce qu’il savoit, par sa propre expérience, qu’un homme chargé de tant d’affaires, et à une si grande distance des intérêts sur lesquels il est appelé à prononcer, finit toujours par s’en remettre, de subalterne en subalterne, aux derniers commis, les plus incapables de juger des motifs qui doivent influer sur des décisions importantes.

Oui, dira-t-on encore, M. Necker, ministre temporaire, mettoit volontiers des bornes au pouvoir ministériel ; mais c’étoit ainsi qu’il portoit atteinte à l’autorité permanente des rois. Je ne traiterai point ici la grande question de savoir si le roi d’Angleterre n’a pas autant et plus de pouvoir que n’en avoit un roi de France. La nécessité de gouverner dans le sens de l’opinion publique est imposée au souverain anglais ; mais, cette condition remplie, il réunit la force de la nation à celle du trône, tandis qu’un monarque arbitraire, ne sachant où prendre l’opinion que ses ministres ne lui représentent pas fidèlement, rencontre à chaque instant des obstacles imprévus dont il ne peut calculer les dangers ; mais, sans anticiper sut un résultat qui, j’espère, acquerra