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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

À l’époque du premier ministère de M. Necker, la classe la plus nombreuse de l’état étoit surchargée de dîmes et de droits féodaux, dont la révolution l’a délivrée ; les gabelles et les impôts que supportoient certaines provinces, dont d’autres étoient affranchies, l’inégalité de la répartition, fondée sur les exemptions des nobles et du clergé, tout concouroit à rendre la situation du peuple infiniment moins heureuse qu’elle ne l’est maintenant. Chaque année, les intendans faisoient vendre les derniers meubles de la misère, parce que plusieurs contribuables se trouvoient dans l’impossibilité d’acquitter les taxes qu’on leur demandoit : dans aucun état de l’Europe le peuple n’étoit traité d’une manière aussi révoltante. À l’intérêt sacré de tant d’hommes se joignoit aussi celui du roi, qu’il ne falloit pas exposer aux résistances du parlement pour l’enregistrement des impôts. M. Necker rendoit donc un service signalé à la couronne, lorsqu’il soutenoit la guerre par le simple fruit des économies, et le ménagement habile du crédit : car de nouvelles charges irritoient la nation, et popularisoient le parlement en lui donnant l’occasion de s’y opposer.

Un ministre qui peut prévenir une révolution en faisant le bien, doit suivre cette route,