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CONSIDÉRATIONS

Deux hommes d’état du plus rare mérite, M. Turgot et M. de Malesherbes, furent aussi choisis par ce même M. de Maurepas, qui sûrement n’avoit aucune idée en commun avec eux ; mais la rumeur publique les désignoit pour des emplois éminens, et l’opinion se fit encore une fois obéir, bien qu’elle ne fût représentée par aucune assemblée légale.

M. de Malesherbes vouloit le rétablissement de l’édit de Henri IV en faveur des protestans, l’abolition des lettres de cachet, et la suppression de la censure, qui anéantit la liberté de la presse. Il y a plus de quarante années que M. de Malesherbes soutenoit cette doctrine ; il auroit suffi de l’adopter alors, pour préparer, par les lumières, ce qu’il a fallu depuis céder a la violence.

M. Turgot, ministre non moins éclairé, non moins ami de l’humanité que M. de Malesherbes, abolit la corvée, proposa de supprimer, dans l’intérieur, les douanes qui tenoient aux priviléges particuliers des provinces, et se permit d’énoncer courageusement la nécessité de soumettre les nobles et le clergé à payer leur part des impôts dans la même proportion que le reste de la nation. Rien n’étoit plus juste et plus populaire que cette mesure ; mais