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CONSIDÉRATIONS

François comptaient parmi eux autant d’hommes de génie que leurs voisins, bien que la nature de leur gouvernement ne leur permît pas d’en tirer le même parti.

Un homme d’esprit a dit avec raison que la littérature étoit l’expression de la société ; si cela est vrai, les reproches que l’on adresse aux écrivains du dix-huitième siècle doivent être dirigés contre cette société même. À cette époque, les écrivains ne cherchoient pas à flatter le gouvernement ; ainsi donc ils vouloient complaire à l’opinion ; car il est impossible que le plus grand nombre des hommes de lettres ne suive pas une de ces deux routes : ils ont trop besoin d’encouragement pour fronder à la fois l’autorité et le public. La majorité des François, dans le dix-huitième siècle, vouloit la suppression du régime féodal, l’établissement des institutions anglaises, et avant tout, la tolérance religieuse. L’influence du clergé sur les affaires temporelles révoltoit universellement ; et, comme le vrai sentiment religieux est ce qui éloigne le plus des intrigues et du pouvoir, ou n’avoit plus aucune foi dans ceux qui se servoient de la religion pour influer sur les affaires de ce monde. Quelques écrivains, et Voltaire surtout, méritent d’être blâmés, pour n’avoir