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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇOISE

reprochés à Louis XIV sont une conséquence naturelle de la superstition de son pouvoir, dont on l’avoit imbu dès son enfance. Comment le despotisme n’entraîneroit-il pas la flatterie ? et comment la flatterie ne fausseroit-elle pas les idées de toute créature humaine qui y est exposée ? Quel est l’homme de génie qui se soit entendu dire la centième partie des éloges prodigués aux rois les plus médiocres ? et cependant ces rois, par cela même qu’ils ne méritent pas qu’on leur adresse ces éloges, en sont plus facilement enivrés.

Si Louis XIV fût né simple particulier, on n’auroit probablement jamais parlé de lui, parce qu’il n’avoit en rien des facultés transcendantes ; mais il entendoit bien cette dignité factice qui met l’âme des autres mal à l’aise. Henri IV s’entretenoit familièrement avec tous ses sujets, depuis la première classe jusqu’à la dernière ; Louis XIV a fondé cette étiquette exagérée qui a privé les rois de sa maison, soit en France, soit en Espagne, de toute communication franche et naturelle avec les hommes : aussi ne les connut-il pas, dès que les circonstances devinrent menaçantes. Un ministre (Louvois) l’engagea dans une guerre sanglante, pour avoir été tourmenté par lui sur