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CONSIDÉRATIONS

des fêtes, comme si l’on s’étoit cru heureux ; l’on commanda des réjouissances pour se persuader que les dangers étoient passés ; les mots de roi, d’assemblée représentative, de monarchie constitutionnelle, répondoient au véritable vœu de tous les François. On crut avoir atteint la réalité des choses, dont on n’avoit obtenu que le nom.

On pria le roi et la reine d’aller à l’Opéra ; leur entrée y fut célébrée par des applaudissemens sincères et universels. On donnoit le ballet de Psyché ; au moment où les Furies dansoient en secouant leurs flambeaux, et où cet éclat d’incendie se répandoit dans toute la salle, je vis le visage du roi et de la reine à la pâle lueur de cette imitation des enfers, et des pressentimens funestes sur l’avenir me saisirent. La reine s’efforçoit d’être aimable, mais on apercevoit une profonde tristesse à travers son obligeant sourire. Le roi, comme à son ordinaire, sembloit plus occupé de ce qu’il voyoit que de ce qu’il éprouvait ; il regardoit de tous les côtés avec calme, et l’on eût dit même avec insouciance ; il s’étoit habitué, comme la plupart des souverains, à contenir l’expression de ses sentiments, et peut-être en avait-il ainsi diminué