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suivante. Car, de toutes les lois agraires, celle qui plairoit le plus au commun des hommes, ce seroit la division des suffrages publics en portions égales, dont le talent ne pût jamais obtenir un plus grand nombre que la médiocrité. Beaucoup d’individus croiroient y gagner, mais l’émulation, qui enrichit l’espèce humaine, y perdroit tout.

Vainement les premiers orateurs de l’assemblée tâchaient-ils de faire sentir que des successeurs tout nouveaux, et choisis dans un temps de troubles, seroient ambitieux de faire une révolution non moins éclatante que celle qui avoit signalé leurs prédécesseurs. Les membres de l’extrémité du côté gauche, d’accord avec l’extrémité du côté droit, crioient que leurs collègues vouloient accaparer le pouvoir ; et des députés ennemis jusqu’alors, les jacobins et les aristocrates, se touchoient la main de joie, en pensant qu’ils auroient le bonheur d’écarter des hommes dont la supériorité les offusquoit depuis deux années.

Quelle faute d’après les circonstances ! mais aussi quelle erreur de principes, que d’interdire au peuple le choix de ceux qui ont déjà mérité sa confiance ! Dans quel pays trouve-t-on une assez grande quantité d’individus capables,