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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇOISE

le roi seroit déchu du trône, s’il sortoit de France. C’étoit prononcer ce qui ne doit pas être prévu, le cas où l’on pourroit destituer un roi. Les vertus et les institutions républicaines élèvent très-haut les peuples à qui leur situation permet d’en jouir ; mais, dans les états monarchiques, le peuple se déprave, si on l’accoutume à ne pas respecter l’autorité qu’il a reconnue. Un code pénal contre un monarque est une idée sans application, que ce monarque soit fort ou qu’il soit faible. Dans le second cas, le pouvoir qui le renverse ne s’en tient pas à la loi, de quelque manière qu’on l’ait conçue.

C’est donc sous le seul rapport de la prudence qu’on doit juger le parti que prit le roi en s’échappant des Tuileries, le 21 juin 1791. On avoit certes assez de torts envers lui à cette époque, pour qu’il eût le droit de quitter la France ; et peut-être rendait-il un grand service aux amis mêmes de la liberté, en faisant cesser une situation hypocrite ; car leur cause étoit gâtée par les vains efforts qu’ils faisoient pour persuader à la nation que les actes politiques du roi, depuis son arrivée à Paris, étoient volontaires, quand on voyoit clairement qu’ils ne l’étoient pas.