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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

par la cour ; et il vouloit le gouvernement représentatif, dans lequel les hommes de talent étant toujours nécessaires, sont toujours considérés.

J’ai eu entre les mains une lettre de Mirabeau, écrite pour être montrée au roi ; il y offroit tous ses moyens pour rendre à la France une monarchie forte et digne, mais limitée ; il se servoit entre autres de cette expression remarquable : Je ne voudrais pas avoir travaillé seulement a une vaste destruction. Toute la lettre faisoit honneur à la justesse de sa manière de voir. Sa mort fut un grand mal, à l’époque où elle arriva ; une supériorité transcendante dans la carrière de la pensée offre toujours de grandes ressources. « Vous avez trop d’esprit, disoit un jour M. Necker à Mirabeau, pour ne pas reconnoître tôt ou tard que la morale est dans la nature des choses. »

Mirabeau n’étoit pas encore tout-à-fait un homme de génie, mais il en approchoit à force de talents.

Je l’avouerai donc, malgré les torts affreux de Mirabeau, malgré le juste ressentiment que j’avais des attaques qu’il s’étoit permises contre mon père en public (car, dans l’intimité, il n’en parloit jamais qu’avec admiration),