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CONSIDÉRATIONS

CHAPITRE XIV.

De la suppression des titres de noblesse.

LE moins impopulaire des deux ordres privilégiés en France c’est peut-être encore le clergé ; car le principe moteur de la révolution étant l’égalité, la nation se sentoit moins blessée par les préjugés des prêtres que par les prétentions des nobles. Cependant rien n’est plus funeste, on ne sauroit trop le répéter, que l’influence politique des ecclésiastiques dans un état, tandis qu’une magistrature héréditaire, dont les souvenirs de la naissance fassent partie, est un élément indispensable de toute monarchie limitée. Mais, la haine du peuple contre les gentilshommes ayant éclaté dès les premiers jours de la révolution, la minorité de la noblesse dans l’assemblée constituante auroit voulu détruire ce germe d’inimitié, et s’unir en tout à la nation. Un soir donc, dans un moment de fermentation un membre fit la proposition d’abolir tous les titres. Aucun noble du parti populaire ne pouvoit se refuser à l’appuyer, sans avoir l’air d’une vanité ridicule ; néanmoins