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CONSIDÉRATIONS

glais, rendirent pendant long-temps la marche du gouvernement très-difficile. Charles VII établit le premier les troupes de ligne ; funeste époque dans l’histoire des nations ! Louis XI, dont le nom suffit, comme celui de Néron ou de Tibère, essaya de s’arroger le pouvoir absolu. Il fit quelques pas dans la route que le cardinal de Richelieu a si bien suivie depuis ; mais il rencontra dans les parlemens une grande opposition. En général, ces corps ont donné de la consistance aux lois en France, et il n’est presque pas une de leurs remontrances où ils ne rappellent aux rois leurs engagemens envers la nation. Ce même Louis XI étoit encore bien loin cependant de se croire un roi sans limites ; et, dans l’instruction qu’il laissa en mourant à son fils Charles VIII. il lui dit : « Quand les rois ou les princes n’ont regard à la loi, en ce faisant, ils font leur peuple serf, et perdent le nom de roi ; car nul ne doit être appelé roi fors celui qui règne et seigneurie sur les Francs. Les Francs de nature aiment leur seigneur ; mais les serfs naturellement haïssent comme les esclaves leurs maîtres. » Tant il est vrai que, par testament du moins, les tyrans mêmes ne peuvent s’empêcher de blâmer le despotisme !