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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇOISE

pour le château, et que ma mère se disposoit à le suivre ; je me hâtai de l’accompagner.

Un long corridor conduisoit du contrôle général où nous demeurions, jusqu’au château ; en approchant, nous entendîmes des coups de fusil dans les cours ; et, comme nous traversions la galerie, nous vîmes sur le plancher des traces récentes de sang. Dans la salle suivante, les gardes du corps embrassoient les gardes nationaux avec cette effusion qu’inspire toujours le trouble des grandes circonstances ; ils échangeoient leurs marques distinctives ; les gardes nationaux portoient la bandoulière des gardes du corps, et les gardes du corps la cocarde tricolore ; tous crioient alors avec transport : Vive la Fayette ! parce qu’il avoit sauvé la vie des gardes du corps, menacés par la populace. Nous passâmes au milieu de ces braves gens, qui venoient de voir périr leurs camarades, et s’attendoient au même sort. Leur émotion contenue, mais visible, arrachoit des larmes aux assistans. Mais, plus loin, quelle scène !

Le peuple exigeait, avec de grandes clameurs, que le roi et sa famille se transportassent à Paris ; on annonça de leur part qu’ils y consentaient, et les cris et les coups de fusil