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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇOISE

liberté. L’esprit de parti n’a qu’une crainte ; la sagesse en éprouve toujours deux. On peut voir dans les divers ouvrages de M. Necker le respect qu’il portoit au gouvernement anglais, et les argumens sur lesquels il se fondoit pour vouloir en adapter les principales bases à la France. Ce fut parmi les députés populaires, alors tout-puissans, qu’il rencontra cette fois d’aussi grands obstacles que ceux qu’il avoit combattus précédemment dans le conseil du roi. Comme ministre et comme écrivain, il a toujours tenu, à cet égard, le même langage.

L’argument que les deux partis opposés, aristocrate et démocrate, s’accordoient à faire contre l’adoption de la constitution anglaise, c’étoit que l’Angleterre pouvoit se passer de troupes réglées, tandis que la France, comme état continental, devant maintenir une grande armée, la liberté ne pourroit pas résister à la prépondérance que cette armée donneroit au roi. Les aristocrates ne s’apercevoient pas que cette objection se retournoit contre eux ; car, si le roi de France a, par la nature des choses, plus de moyens de force que le roi d’Angleterre, quel inconvénient y a-t-il à donner à son autorité au moins les mêmes limites ?