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Une seule circonstance, cependant, peut obliger à soumettre les journaux à la censure, c’est-à-dire, à l’autorité du gouvernement même qu’ils doivent éclairer ; c’est quand les étrangers sont maîtres d’un pays. Mais alors il n’y a rien dans ce pays, quoi qu’on fasse, qui puisse ressembler à une existence politique. Le seul intérêt de la nation opprimée est donc alors de recouvrer, s’il se peut, son indépendance ; et, comme dans les prisons le silence apaise plus les geôliers que la plainte, il faut se taire tant que les verrous sont fermés tout à la fois sur le sentiment et sur la pensée.

L’un des premiers mérites qu’on ne sauroit contester à l’assemblée constituante, c’est le respect qu’elle a toujours eu pour les principes de liberté qu’elle proclamait. J’ai vu cent fois vendre à la porte d’une assemblée, plus puissante que ne l’a jamais été aucun roi de France, les insultes les plus mordantes contre les membres de la majorité, leurs amis et leurs principes. L’assemblée s’interdisoit également toutes les ressources secrètes du pouvoir, et ne s’appuyoit que sur l’adhésion de la France presque entière. Le secret des lettres étoit respecté, et l’invention d’un ministère de la police ne paraissoit pas alors au nombre des fléaux pos-