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CONSIDÉRATIONS

CHAPITRE II.

De l’assemblée constituante après le 14 juillet.

LE tiers état et la minorité de la noblesse et du clergé composoient la majorité de l’assemblée constituante, et cette assemblée disposoit de la France. Depuis le 14 juillet rien n’étoit plus imposant que le spectacle de douze cents députés, écoutés par de nombreux spectateurs, et s’enflammant au seul nom des grandes vérités qui ont occupé l’esprit humain depuis l’origine de la société sur la terre. Cette assemblée étoit peuple par ses passions, mais aucune réunion ne pouvoit présenter une aussi grande masse de lumières. L’électricité des pensées s’y communiquoit en un instant, parce que l’action des hommes sur les hommes est irrésistible, et que rien ne parloit davantage à l’imagination que cette volonté sans armes, brisant d’antiques chaînes que la conquête avoit jadis forgées, et que la simple raison faisoit tout à coup disparoître. Il faut se transporter en 1789, lorsque les préjugés seuls avoient fait du mal au monde, et que la liberté non souillée étoit le culte de