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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

titude animée du même sentiment, et qui se précipitoit sur les pas d’un seul homme, et cet homme étoit mon père. Il monta dans la salle de l’Hôtel de ville, rendit compte aux magistrats nouvellement élus de l’ordre qu’il avoit donné pour sauver M. de Besenval ; et, leur faisant sentir avec sa délicatesse accoutumée tout ce qui plaidoit en faveur de ceux qui avoient obéi à leur souverain, et qui défendoient un ordre de choses existant depuis plusieurs siècles, il demanda l’amnistie pour le passé, quel qu’il fut, et la réconciliation pour l’avenir. Les confédérés du Rutli, au commencement du quatorzième siècle, en jurant la délivrance de la Suisse, jurèrent aussi d’être justes envers leurs adversaires ; et c’est sans doute à cette noble résolution qu’ils durent leur triomphe. Au moment où M. Necker prononça ce mot d’amnistie, il retentit dans tous les cœurs ; aussitôt le peuple, rassemblé sur la place publique, voulut s’y associer. M. Necker alors s’avança sur le balcon, et, proclamant à haute voix les saintes paroles de la paix entre les François de tous les partis, la multitude entière y répondit avec transport. Je ne vis rien de plus dans cet instant, car je perdis connaissance à force de joie.