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CONSIDÉRATIONS

les autorités constituées venoient haranguer M. Necker à son passage ; il leur recommandoit le respect des propriétés, les égards pour les prêtres et les nobles, l’amour pour le roi. Il fit donner des passe-ports à différentes personnes qui sortoient de France. Le baron de Besenval, qui avoit commandé une partie des troupes allemandes, étoit arrêté à dix lieues de Paris. La municipalité de cette ville avoit ordonné qu’il y fût ramené. M. Necker prit sur lui de suspendre l’exécution de cet ordre, dans la crainte, trop bien motivée, que la populace de Paris ne le massacrât dans sa fureur. Mais M. Necker sentoit à quel danger il s’exposait, en s’arrogeant ainsi un pouvoir fondé seulement sur sa popularité ; aussi, le lendemain de son retour à Versailles, se rendit-il à l’Hôtel de ville pour expliquer sa conduite.

Qu’il me soit permis de m’arrêter encore une fois sur ce jour, le dernier de la prospérité de ma vie qui cependant s’ouvroit à peine devant moi. La population entière de Paris se pressoit en foule dans les rues ; on voyoit des hommes et des femmes aux fenêtres et sur les toits, criant : Vive M. Necker ! Quand il arriva près de l’Hôtel de ville, les acclamations redoublèrent ; la place étoit remplie d’une mul-