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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

trainte morale imposée au chef d’un gouvernement ne sauroit fonder l’indépendance constitutionnelle de l’état.

Cependant, quoique des assassinats sanguinaires eussent été commis par la populace, la journée du 14 juillet avoit de la grandeur : le mouvement étoit national ; aucune faction intérieure ni étrangère ne pouvoit exciter un tel enthousiasme. La France entière le partageait, et l’émotion de tout un peuple tient toujours à des sentimens vrais et naturels. Les noms les plus honorables, Bailly, la Fayette, Lally, étoient proclamés par l’opinion publique ; on sortoit du silence d’un pays gouverné par une cour, pour entendre le bruit des acclamations spontanées de tous les citoyens. Les esprits étoient exaltés, mais il n’y avoit encore rien que de bon dans les âmes, et les vainqueurs n’avoient pas eu le temps de contracter les passions orgueilleuses, dont le parti du plus fort ne sait presque jamais se préserver en France.