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CONSIDÉRATIONS

on jamais des hommes qui ne vouloient pas du raisonnement, s’entendre si mal à s’assurer de la force ?

Le roi, dans cette circonstance, ne pouvoit inspirer qu’un profond sentiment d’intérêt et de compassion. Car les princes élevés pour régner en France n’ont jamais contemplé les choses de la vie face à face : on leur faisoit un monde factice, dans lequel ils vivoient depuis le premier jusqu’au dernier jour de l’année, et le malheur a dû les trouver sans défense en eux-mêmes.

Le roi fut conduit à Paris, pour adopter à l’Hôtel de ville la révolution qui venoit d’avoir lieu contre son pouvoir. Son calme religieux lui conserva toujours de la dignité personnelle, dans cette circonstance comme dans toutes les suivantes ; mais son autorité n’existoit plus ; et, si les chars des rois ne doivent pas traîner après eux les nations, il ne faut pas non plus que les nations fassent d’un roi l’ornement de leur triomphe. Les hommages apparens qu’on rend alors au souverain détrôné révoltent les caractères généreux, et jamais la liberté ne peut s’établir par la fausse situation du monarque ou du peuple : chacun doit être dans ses droits, pour être dans sa sincérité. La con-