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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇAISE

et il restoit là comme une sentinelle qu’on laissoit encore à son poste, pour tromper les attaquans sur la manœuvre.

Le parti populaire ne comprenant que trop bien ce qu’on méditoit contre lui, et ne se résignant pas, comme M. Necker, à en être la victime, Mirabeau fit adopter à l’assemblée nationale sa fameuse adresse pour le renvoi des troupes. C’étoit la première fois que la France entendoit cette éloquence populaire, dont la puissance naturelle étoit augmentée par la grandeur des circonstances. Le respect pour le caractère personnel du roi se faisoit encore remarquer dans cette harangue tribunitienne. « Et comment s’y prend-on, sire, disoit l’orateur de la chambre, pour vous faire douter de l’attachement et de l’amour de vos sujets ? Avez-vous prodigué leur sang ? êtes-vous cruel, implacable ? avez-vous abusé de la justice ? le peuple vous impute-t-il ses malheurs ? vous nomme-t-il dans ses calamités ?…

« Ne croyez pas ceux qui vous parlent légèrement de la nation, et qui ne savent que vous la représenter, selon leurs vues, tantôt insolente, rebelle, séditieuse, tantôt soumise, docile au joug, prompte à courber