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l’autorité royale et les nobles eux-mêmes contre le tiers état ; toutes ses heures et toutes ses facultés étoient consacrées à prémunir le roi contre les courtisans, et les députés contre les factieux.

N’importe, dira-t-on, puisque M. Necker n’a pas réussi, c’est qu’il n’a pas été assez habile. Depuis treize années, cinq de ministère et huit de retraite, M. Necker s’étoit soutenu au plus haut point de la faveur populaire ; il en jouissoit encore à un tel degré, que la France entière fut soulevée à la nouvelle de son exil. En quoi donc a-t-il jamais rien perdu par sa faute ? et comment, je ne saurais assez le répéter, peut-on rendre un homme responsable des malheurs qui sont arrivés pour n’avoir pas suivi ses conseils ? Si la monarchie a été renversée, parce que le système contraire au sien a été adopté, n’est-il pas probable qu’elle eût été sauvée, si le roi ne s’étoit pas écarté de la route dans laquelle il avoit marché depuis le retour de M. Necker au ministère ?

Un jour très-prochain étoit choisi pour la séance royale, lorsque les ennemis secrets de M. Necker déterminèrent le roi à faire un voyage à Marly, séjour où l’opinion publique se faisoit encore moins entendre qu’à Versailles.