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CONSIDÉRATIONS

gère on viendroit à bout de l’opinion, dans un pays tel qu’étoit alors l’illustre France.

Le baron de Breteuil, qui aspiroit à remplacer M. Necker, étoit incapable de comprendre autre chose que l’ancien régime ; et encore, dans l’ancien régime, ses idées ne s’étoient jamais étendues au delà des cours, soit en France, soit dans les pays étrangers où il avoit été envoyé comme ambassadeur. Il avoit revêtu son ambition des formes de la bonhomie ; il serroit la main à la manière anglaise à tous ceux qu’il rencontrait, comme s’il eût dit à chacun : « Je voudrais être ministre ; « quel mal cela vous fait-il ? » À force de répéter qu’il vouloit être ministre, on y avoit consenti, et il avoit aussi bien gouverné qu’un autre, quand il ne s’agissoit que de signer le travail ordinaire que les commis apportoient tout fait à leurs chefs. Mais dans la grande circonstance dont je vais parler, il fit, par ses conseils, un mal affreux à la cause du roi. Son gros son de voix ressembloit à de l’énergie ; il marchoit à grand bruit en frappant du pied, comme s’il avoit voulu faire sortir de terre une armée, et toutes ses manières décidées faisoient illusion à ceux qui avoient foi à leurs propres désirs.