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CONSIDÉRATIONS

ignorance, résultat d’une longue oppression et du peu de soin que l’on prenoit de l’éducation des dernières classes, menaçoit la France de tous les maux dont elle a été depuis accablée. Il y avoit peut-être autant d’hommes marquants chez nous que parmi les Anglais ; mais la masse de bon sens dont une nation libre est propriétaire, n’existoit point en France. La religion fondée sur l’examen, l’instruction publique, les élections et la liberté de la presse, sont des sources de perfectionnement qui avoient agi depuis plus de cent ans en Angleterre. Le tiers état vouloit que les François fussent enrichis d’une partie de ces biens ; l’esprit public appuyoit son désir avec énergie : mais le tiers état, étant le plus fort, ne pouvoit avoir qu’un mérite, celui de la modération, et malheureusement il ne voulut pas se le donner.

Deux partis existoient dans les députés de cet ordre ; l’un avoit pour chefs principaux, Mounier et Malouet, et l’autre Mirabeau et Sieyes : le premier vouloit une constitution en deux chambres, et conservoit l’espoir d’obtenir ce changement de la noblesse et du roi, par les voies de la conciliation ; l’autre étoit plutôt dirigé par les passions que par les opinions,