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SUR LA RÉVOLUTION FRANÇOISE

pules. Tout entretien qui lui rappeloit son ministère, tout éloge sur ce sujet lui faisoit mal. Pendant les sept années qui s’écoulèrent entre son premier ministère et le second, il souffroit constamment du renversement de ses projets pour améliorer le sort de la France. Au moment où l’archevêque de Sens fut appelé au ministère, il fut encore affligé de n’avoir pas été nommé ; mais, lorsque je vins lui annoncer à Saint-Ouen, en 1788, qu’il alloit être ministre : Ah ! me dit-il, que ne m’a-t-on donné ces quinze mois de l’archevêque de Sens ! à présent, c’est trop tard !

M. Necker venoit de publier son ouvrage sur l’importance des opinions religieuses. En toute occasion, il a toujours attaqué les partis dans leur force ; la fierté de son âme l’inspiroit ainsi. C’étoit la première fois qu’un écrivain, assez éclairé pour être nommé philosophe, signaloit les dangers de l’esprit irréligieux du dix-huitième siècle ; et cet ouvrage avoit rempli l’âme de son auteur de pensées plus hautes que toutes celles qui naissent des intérêts de la terre, même les plus relevés. Aussi se rendit-il aux ordres du roi avec un sentiment de tristesse que je ne partageais certes pas ; il me dit, en voyant ma joie : « La fille d’un ministre n’a que du