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sa parole ? et de quelle utilité auroit pu lui être un ministre dont l’ascendant consistoit dans sa popularité, si le premier acte de ce ministre eût été de conseiller au roi de manquer aux engagements qu’il avoit pris avec son peuple ?

Cette même aristocratie, qui trouve plus simple de calomnier un homme que de reconnaître la part qu’elle a prise elle-même au mouvement général ; cette aristocratie, dis-je, eût été la première indignée de la perfidie du ministre ; il n’auroit pu tirer aucun parti politique de la dégradation à laquelle il auroit consenti. Quand donc une chose n’est ni morale ni utile, quelle est l’espèce de fou, ou de prétendu sage, qui pourroit la conseiller ?

M. Necker, à l’époque où l’opinion publique le reporta au ministère, étoit plus effrayé qu’heureux de sa nomination. Il avoit amèrement regretté sa place, quand il la perdit en 1781, parce qu’il se croyoit alors certain de faire beaucoup de bien. Lorsqu’il apprit la mort de M. de Maurepas, il se reprocha comme une faute sa démission, donnée six mois auparavant, et j’ai toujours présentes à mon souvenir ses longues promenades à Saint-Ouen, dans lesquelles il répétoit souvent qu’il se dévoroit lui-même par ses réflexions et par ses scru-