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Saint-Ouen, maison de campagne de mon père à deux lieues de Paris. Ma mère se soutenoit par l’exaltation même de ses sentimens ; mon père gardoit le silence ; moi j’étois trop enfant pour n’être pas ravie d’un changement quelconque de situation ; cependant quand je vis à dîner les secrétaires et les commis du ministère tous dans une morne tristesse je commençai à craindre que ma joie ne fût pas trop bien fondée. Cette inquiétude fut dissipée par les hommages sans nombre que mon père reçut à Saint-Ouen.

Toute la France vint le voir : les grands seigneurs, le clergé, les magistrats, les négocians, les hommes de lettres s’attiroient chez lui les uns les autres ; il reçut près de cinq cents lettres[1] des administrations, et des diverses corporations des provinces, qui exprimoient un respect et une affection dont aucun homme public en France n’avoit peut-être jamais eu l’honneur d’être l’objet. Les mémoires du temps qui ont déjà paru, attestent la vérité de ce que j’avance à cet égard[2]. La France, à cette épo-

  1. Ces lettres sont un trésor de famille que je possède à Coppet
  2. Correspondance littéraire, philosophique et critique,