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touchante des communautés religieuses, soignoient les malades de l’hôpital : ces sœurs ne prononcent des vœux que pour une année, et plus elles font de bien, moins elles sont intolérantes. M. et Mad. Necker, tous les deux protestans, étoient l’objet de leur amour. Ces saintes filles leur offrirent des fleurs, et leur chantèrent des vers tirés des psaumes, la seule poésie qu’elles connussent : elles les appeloient leurs bienfaiteurs, parce qu’ils venoient au secours du pauvre. Mon père, ce jour-là, fut plus attendri, je m’en souviens encore, qu’il ne l’avoit jamais été par de semblables témoignages de reconnoissance : sans doute il regrettoit le pouvoir qu’il alloit perdre, celui de servir la France. Hélas ! qui dans ce temps auroit pu croire qu’un tel homme seroit un jour accusé d’être dur, arrogant et factieux ? Ah ! jamais une âme plus pure n’a traversé la région des orages, et ses ennemis, en le calomniant, commettent une impiété ; car le cœur de l’homme vertueux est le sanctuaire de la Divinité dans ce monde.

Le lendemain M. Necker revint de Versailles, ayant cessé d’être ministre. Il entra chez ma mère, et tous les deux, après une demi-heure de conversation, donnèrent l’ordre à leurs gens de nous établir dans vingt-quatre heures à