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cet homme jusqu’à son dernier jour, et, lorsque sa tête blanchie sembloit appeler des pensées plus graves, cherchoit encore, chez les ministres même de la révolution un dîner, des secrets et de l’argent. M. de Maurepas l’employa pour faire répandre des libelles contre M. Necker. Comme il n’y avoit point en France de liberté de la presse, c’étoit une chose toute nouvelle que des écrits contre un homme en place, encouragés par le premier ministre, et par conséquent distribués publiquement à tout le monde.

Il falloit, et M. Necker se l’est bien souvent répété depuis, il falloit mépriser ces piéges tendus à son caractère ; mais madame Necker ne put supporter la douleur que lui causoit la calomnie dont son époux étoit l’objet ; elle crut devoir lui dérober la connoissance du premier libelle qui parvint entre ses mains, afin de lui épargner une peine amère. Mais elle imagina d’écrire à son insu à M. de Maurepas pour s’en plaindre, et pour lui demander de prendre les mesures nécessaires contre ces écrits anonymes : c’étoit s’adresser à celui même qui les encourageoit en secret. Quoique madame Necker eût beaucoup d’esprit, élevée dans les montagnes de la Suisse, elle ne se faisoit pas l’idée