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CONSIDÉRATIONS

les ministres ; elles pouvoient insister sans manquer de convenance, passer la mesure même sans qu’on fût dans le cas de s’en plaindre et toutes les insinuations qu’elles savoient faire en parlant, exercoient beaucoup d’empire sur la plupart des hommes en place. M. Necker les écoutoit très-poliment ; mais il avoit trop d’esprit pour ne pas démêler ces ruses de conversation, qui ne produisent aucun effet sur les esprits éclairés et naturels. Ces dames alors avoient recours à de grands airs, rappeloient négligemment les noms illustres qu’elles portaient, et demandoient one pension comme un maréchal de France se plaindroit d’un passe-droit. M. Necker s’en tenoit toujours à la justice et ne se permettoit point de prodiguer l’argent acquis par les sacrifices du peuple. Qu’est-ce que mille écus pour le roi, disoient-elles ? Mille écus, répondoit M. Necker, c’est la taille d’un village.

De tels sentimens n’étoient appréciés que des personnes les plus respectables à la cour. M. Necker pouvoit aussi compter sur des amis dans le clergé qu’il avoit toujours honoré, et parmi les grands propriétaires et les nobles, qu’il vouloit introduire, à l’aide des administrations provinciales, au maniement et à la connaissance