Page:De Staël – De l’Allemagne, Tome 3, 1814.djvu/98

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
80
LA PHILOSOPHIE ET LA MORALE

les autres, que c’est rendre un grand-service, à la foi religieuse que de bannir la métaphysique de toutes les questions qui tiennent à l’existence de Dieu, au libre arbitre, à l’origine du bien et du mal.

Quelques personnes respectables ont dit qu’il ne faut négliger aucune arme, et que les arguments métaphysiques aussi doivent être employés pour persuader ceux sur qui ils ont de l’empire ; mais ces arguments conduisent à la discussion, et la discussion au doute sur quelque sujet que ce soit.

Les belles époques de l’espèce humaine dans tous les temps ont été celles où des vérités d’un certain ordre n’étoient jamais contestées ni par des écrits ni par des discours. Les passions pouvoient entraîner à des actes coupables, mais nul ne révoquoit en doute la religion même à laquelle il n’obéissoit pas. Les sophismes de tout genre, abus d’une certaine philosophie, ont détruit, dans divers pays et dans différents siècles, cette noble fermeté de croyance, source du dévouement héroïque. N’est-ce donc pas une belle idée à un philosophe que d’interdire à la science même qu’il professe l’entrée du sanctuaire, et d’employer toute la force de l’abstraction à