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KANT.

roit à cet égard trouver aucun point d’appui dans l’expérience. Kant place sur deux lignes parallèles les arguments pour et contre la liberté de l’homme, l’immortalité de l’âme, la durée passagère ou éternelle du monde ; et c’est au sentiment qu’il en appelle pour faire pencher la balance, car les preuves métaphysiques lui paroissent en égale force de part et d’autre[1]. Peut-être a-t-il eu tort de pousser jusque-là le scepticisme du raisonnement ; mais c’est pour anéantir plus sûrement ce scepticisme, en écartant de certaines questions les discussions arbitraires qui l’ont fait naître.

Il seroit injuste de soupçonner la piété sincère de Kant, parce qu’il a soutenu qu’il y avoit parité entre les raisonnements pour et contre dans les grandes questions de la métaphysique transcendante. Il me semble au contraire qu’il y a de la candeur dans cet aveu. Un si petit nombre d’esprits sont en état de comprendre de tels raisonnements, et ceux qui en sont capables ont une telle tendance à se combattre les uns

  1. Ces arguments opposés sur les grandes questions métaphysiques sont appelés antimonies dans le livre de Kant.