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LA PHILOSOPHIE ET LA MORALE

laquelle il marqua ces limites n’avoient peut-être point eu d’exemple avant lui : il ne s égara point dans de nouveaux systèmes sur la création de l’univers ; il reconnut les bornes que les mystères éternels apposent à l’esprit humain, et ce qui sera nouveau peut-être pour ceux qui n’ont fait qu’entendre parler de Kant, c’est qu’il n’y a point eu de philosophe plus opposé, sous plusieurs rapports, à la métaphysique ; il ne s’est rendu si profond dans cette science que pour employer les moyens mêmes qu’elle donne à démontrer son insuffisance. On diroit que, nouveau Curtius, il s’est jeté dans le gouffre de l’abstraction pour le combler.

Locke avoit combattu victorieusement la doctrine des idées innées dans l’homme, parce qu’il a toujours représenté les idées comme faisant partie des connoissances expérimentales. L’examen de la raison pure, c’est-à-dire des facultés primitives dont l’intelligence se compose, ne fixa pas son attention. Leibnitz, comme nous l’avons dit plus haut, prononça cet axiome sublime : « Il n’y a rien dans l’intelligence qui ne vienne par les sens, si ce n’est l’intelligence elle-même. » Kant a reconnu de même que Locke qu’il n’y avoit point d’idées innées, mais il s’est