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LA PHILOSOPHIE ET LA MORALE

Il me semble donc que, tout en admirant la force de tête et la profondeur du génie de Leibnitz, on désireroit, dans ses écrits sur les questions de théologie métaphysique, plus d’imagination et de sensibilité, afin de reposer de la pensée par l’émotion. Leibnitz se faisoit presque scrupule d’y recourir, craignant d’avoir ainsi l’air de séduire en faveur de la vérité : il avoit tort ; car le sentiment est la vérité elle-même dans des sujets de cette nature.

Les objections que je me suis permises sur les ouvrages de Leibnitz, qui ont pour objet des questions insolubles par le raisonnement, ne s’appliquent point à ses écrits sur la formation des idées dans l’esprit humain : ceux-là sont d’une clarté lumineuse ; ils portent sur un mystère que l’homme peut, jusqu’à un certain point, pénétrer ; car il en sait plus sur lui-même que sur l’univers. Les opinions de Leibnitz à cet égard tendent surtout au perfectionnement moral, s’il est vrai, comme les philosophes allemands ont tâché de le prouver, que le libre arbitre repose sur la doctrine qui affranchit l’âme des objets extérieurs, et que la vertu ne puisse exister sans la parfaite indépendance du vouloir.

Leibnitz a combattu avec une force de dialec-