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LA PHILOSOPHIE ET LA MORALE

commencé, quand il devoit finir, quelle étoit l’origine du bien et du mal ? La Divinité répondit à toutes ces questions : Fais le bien et gagne l’immortalité. Ce qui rend surtout cette réponse admirable, c’est qu’elle ne décourage point l’homme des méditations les plus sublimes ; elle lui enseigne seulement que c’est par la conscience et le sentiment qu’il peut s’élever aux plus profondes conceptions de la philosophie.

Leibnitz étoit un idéaliste qui ne fondoit son système que sur le raisonnement ; et de là vient qu’il a poussé trop loin les abstractions et qu’il n’a point assez appuyé sa théorie sur la persuasion intime, seule véritable base de ce qui est supérieur à l’entendement ; en effet, raisonnez sur la liberté de l’homme, et vous n’y croirez pas ; mettez la main sur votre conscience, et vous n’en pourrez douter. La conséquence et la contradiction, dans le sens que nous attachons à l’une et à l’autre, n’existent pas dans la sphère des grandes questions sur la liberté de l’homme, sur l’origine du bien et du mal, sur la prescience divine, etc. Dans ces questions le sentiment est presque toujours en opposition avec le raisonnement, afin que l’homme apprenne que ce qu’il appelle l’incroyable dans l’ordre des choses