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LA PHILOSOPHIE ET LA MORALE

génie ne s’impose de bornes à lui-même qu’après avoir lutté long-temps contre cette dure nécessité. Qui peut avoir la faculté de penser et ne pas s’essayer à connoître l’origine et le but des choses de ce monde ?

Tout ce qui a vie sur la terre, excepté l’homme, semble s’ignorer soi-même. Lui seul sait qu’il mourra, et cette terrible vérité réveille son intérèt pour toutes les grandes pensées qui s’y rattachent. Dès qu’on est capable de réflexion, on résoud ou plutôt on croit résoudre à sa manière les questions philosophiques qui peuvent expliquer la destinée humaine ; mais il n’a été accordé à personne de la comprendre dans son ensemble. Chacun en saisit un côté différent, chaque homme a sa philosophie, comme sa poétique, comme son amour. Cette philosophie est d’accord avec la tendance particulière de son caractère et de son esprit. Quand on s’élève jusqu’à l’infini, mille explications peuvent être également vraies, quoique diverses, parce que des questions sans bornes ont des milliers de faces, dont une seule peut occuper la durée entière de l’existence.

Si le mystère de l’univers est au-dessus de la portée de l’homme, néanmoins l’étude de ce