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LA PHILOSOPHIE ET LA MORALE

La grandeur d’âme des Romains donnoit à leur patriotisme et à leur morale un caractère sublime ; mais c’est aux institutions républicaines qu’il faut l’attribuer. Quand la liberté n’a plus existé à Rome, on y a vu régner presque sans partage un luxe égoïste et sensuel, une politique adroite qui devoit porter tous les esprits vers l’observation et l’expérience. Les Romains ne gardèrent de l’étude qu’ils avoient faite de la littérature et de la philosophie des Grecs que le goût des arts, et ce goût même dégénéra bientôt en jouissances grossières.

L’influence de Rome ne s’exerça par sur les peuples septentrionaux. Ils ont été civilisés presqu’en entier par le christianisme, et leur antique religion qui contenoit en elle les principes de la chevalerie ne ressembloit en rien au paganisme du midi. Il y avoit un esprit de dévouement héroïque et généreux, un enthousiasme pour les femmes, qui faisoit de l’amour un noble culte ; enfin la rigueur du climat empêchant l’homme de se plonger dans les délices de la nature, il en goûtoit d’autant mieux les plaisirs de l’âme.

On pourroit m’objecter que les Grecs avoient la même religion et le même climat que les Ro-