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LA PHILOSOPHIE ET LA MORALE

L’incrédulité dogmatique, c’est-à-dire celle qui révoque en doute tout ce qui n’est pas prouvé par les sensations, est la source de la grande ironie de l’homme envers lui-même : toute la dégradation morale vient de là. Cette philosophie doit sans doute être considérée autant comme l’effet que comme la cause de la disposition actuelle des esprits ; néanmoins il est un mal dont elle est le premier auteur, elle a donné à l’insouciance de la légèreté l’apparence d’un raisonnement réfléchi : elle fournit des arguments spécieux à l’égoïsme, et fait considérer les sentiments les plus nobles comme une maladie accidentelle dont les circonstances extérieures seules sont la cause.

Il importe donc d’examiner si la nation, qui s’est constamment défendue de la métaphysique dont on a tiré de telles conséquences, n’avoit pas raison en principe et plus encore dans l’application qu’elle a faite de ce principe au développement des facultés et à la conduite morale de l’homme.