Page:De Staël – De l’Allemagne, Tome 3, 1814.djvu/69

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
51
DU PERSIFLAGE, etc.

qui est intime, il y auroit encore dans ce système une certaine noblesse inactive, une indolence orientale qui pourroit avoir quelque grandeur ; et des philosophes grecs ont trouvé le moyen de mettre presque de la dignité dans l’apathie ; mais l’empire des sensations, en affoiblissant par degrés le sentiment, a laissé subsister l’activité de l’intérêt personnel, et ce ressort des actions a été d’autant plus puissant, qu’on avoit brisé tous les autres.

À l’incrédulité de l’esprit, à l’égoïsme du cœur, il faut encore ajouter la doctrine sur la conscience qu’Helvétius a développée, lorsqu’il a dit que les actions vertueuses en elles-mêmes avoient pour but d’obtenir les jouissances physiques qu’on peut goûter ici-bas : il en est résulté qu’on a considéré comme une espèce de duperie les sacrifices qu’on pourroit faire au culte idéal de quelque opinion ou de quelque sentiment que ce soit ; et comme rien ne paroît plus redoutable aux hommes que de passer pour dupes, ils se sont hâtés de jeter du ridicule sur tous les enthousiasmes qui tournoient mal ; car ceux qui étoient récompensés par les succès échappoient à la moquerie : le bonheur a toujours raison auprès des matérialistes.