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DU PERSIFLAGE, etc.

a que des rêveurs qui puissent songer à autre chose. En effet, les sensations n’apprennent guère que cette philosophie, et si l’on ne peut rien savoir que par elles, il faut appeler du nom de folie tout ce qui n’est pas soumis à l’evidence matérielle.

Si l’on admettoit au contraire que l’âme agit par elle-même, qu’il faut puiser en soi pour y trouver la vérité, et que cette vérité ne peut être saisie qu’à l’aide d’une méditation profonde, puisqu’elle n’est pas dans le cercle des expériences terrestres, la direction entière des esprits seroit changée ; on ne rejetteroit pas avec. dédain les plus hautes pensées, parce qu’elles exigent une attention réfléchie ; mais ce qu’on trouveroit insupportable, c’est le superficiel et le commun, car le vide est à la longue singulièrement lourd.

Voltaire sentoit si bien l’influence que les systèmes métaphysiques exercent sur la tendance générale des esprits, que c’est pour combattre Leibnitz qu’il a composé Candide. Il prit une humeur singulière contre les causes finales, l’optimisme, le libre arbitre, enfin contre toutes les opinions philosophiques qui relèvent la dignité de l’homme, et il fit Candide, cet ouvrage d’une