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DE LA PHILOSOPHIE FRANÇAISE.

Je tâcherai de montrer dans la seconde partie de cette section que la morale fondée sur l’intérêt, si fortement prêchée par les écrivains français du dernier siècle, est dans une connexion intime avec la métaphysique, qui attribue toutes nos idées à nos sensations, et que les conséquences de l’une sont aussi mauvaises dans la pratique que celles de l’autre dans la théorie. Ceux’qui ont pu lire les ouvrages licencieux qui ont été publiés en France vers la fin du dix-huitième siècle attesteront que quand les auteurs de ces coupables écrits veulent s’appuyer d’une espèce de raisonnement, ils en appellent tous à l’influence du physique sur le moral ; ils rapportent aux sensations toutes les opinions les plus condamnables ; ils développent enfin sous toutes les formes la doctrine qui détruit le libre arbitre et la conscience.

On ne sauroit nier, dira-t-on peut-être, que cette doctrine ne soit avilissante ; mais néanmoins, si elle est vraie, faut-il la repousser et s’aveugler à dessein ? Certes, ils auroient fait une déplorable découverte ceux qui auroient détrôné notre âme, condamné l’esprit à s’immoler lui-même, en employant ses facultés à démontrer que les lois communes à tout ce qui est physique