bientôt ce grain noir, qui se remarquoit à peine sur l’horizon intellectuel, s’est étendu jusqu’au point de replonger l’univers et l’homme dans les ténèbres.
Les objets extérieurs étoient, disoit-on, le mobile de toutes nos impressions ; rien ne sembloit donc plus doux que de se livrer au monde physique, et de s’inviter comme convive à la fête de la nature ; mais par degrés la source intérieure s’est tarie, et jusqu’à l’imagination qu’il faut pour le luxe et pour les plaisirs va se flétrissant à tel point qu’on n’aura bientôt plus même assez d’âme pour goûter un bonheur quelconque, quelque matériel qu’il soit.
L’immortalité de l’âme et le sentiment du devoir sont des suppositions tout-à-fait gratuites dans le système qui fonde toutes nos idées sur nos sensations ; car nulle sensation ne nous révèle l’immortalité dans la mort. Si les objets extérieurs ont seuls formé notre conscience, depuis la nourrice qui nous reçoit dans ses bras jusqu’au dernier acte d’une vieillesse avancée, toutes les impressions s’enchaînent tellement l’une à l’autre, qu’on ne peut en accuser avec équité la prétendue volonté, qui n’est qu’une fatalité de plus.