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LA PHIOLOSOPHIE ET LA MORALE

tius en a tirées ne doivent pas être imputées à Condillac ; il étoit bien loin d’y donner son assentiment.

Condillac a rendu la métaphysique expérimentale plus claire et plus frappante qu’elle ne l’est dans Locke ; il l’a mise véritablement à la portée de tout le monde : il dit avec Locke que l’âme ne peut avoir aucune idée qui ne lui vienne par les sensations : il attribue à nos besoins l’origine des connoissances et du langage ; aux mots, celle de la réflexion ; et nous faisant ainsi recevoir le développement entier de notre être moral par les objets extérieurs, il explique la nature humaine, comme une science positive, d’une manière nette, rapide, et, sous quelques rapports, incontestable ; car si l’on ne sentoit en soi ni des croyances natives du cœur, ni une conscience indépendante de l’expérience, ni un esprit créateur, dans toute la force de ce terme, on pourroit assez se contenter de cette définition mécanique de l’âme humaine. Il est naturel d’être séduit par la solution facile du plus grand des problèmes ; mais cette apparente simplicité n’existe que dans la méthode ; l’objet auquel on prétend l’appliquer n’en reste pas moins d’une immensité inconnue, et l’énigme de nous-mêmes