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LA PHIOLOSOPHIE ET LA MORALE

mais Malebranche et les Allemands différent en ceci, que l’un donne comme article de foi ce que les autres réduisent en théorie scientifique ; l’un cherche à revêtir de formes dogmatiques ce que l’imagination lui inspire, parce qu’il a peur d’être accusé d’exaltation ; tandis que les autres, écrivant à la fin d’un siècle où l’on a tout analysé, se savent enthousiastes et s’attachent seulement à prouver que l’enthousiasme est d’accord avec la raison.

Si les Français avoient suivi la direction métaphysique de leurs grands hommes du dix-septième siècle, ils auroient aujourd’hui les mêmes opinions que les Allemands ; car Leibnitz est dans la route philosophique le successeur naturel de Descartes et de Malebranche, et Kant le successeur naturel de Leibnitz.

L’Angleterre influa beaucoup sur les écrivains du dix-huitième siècle : l’admiration qu’ils ressentoient pour ce pays leur inspira le désir d’introduire en France sa philosophie et sa liberté. La philosophie des Anglais n’étoit sans danger qu’avec leurs sentiments religieux, et leur liberté, qu’avec leur obéissance aux lois. Au sein d’une nation où Newton et Clarke ne prononçoient jamais le nom de Dieu sans s’incliner, les sys-