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DE LA PHILOSOPHIE FRANÇAISE.

prêtre obligeoit à des ménagements envers la religion, et Bonnet qui, naturellement religieux, vivoit à Genève dans un pays où les lumières et la piété sont inséparables. Ces deux philosophes, Bonnet surtout, ont établi des exceptions en faveur de la révélation ; mais il me semble qu’une des causes de l’affoiblissement du respect pour la religion, c’est de l’avoir mise à part de toutes les sciences, comme si la philosophie, le raisonnement, enfin tout ce qui est estimé dans les affaires terrestres ne pouvoit s’appliquer à la religion : une vénération dérisoire l’écarte de tous les intérêts de la vie ; c’est pour ainsi dire la reconduire hors du cercle de l’esprit humain à force de révérences. Dans tous les pays où règne une croyance religieuse, elle est le centre des idées, et la philosophie consiste à trouver l’interprétation raisonnée des vérités divines.

Lorsque Descartes écrivit, la philosophie de Bacon n’avoit pas encore pénétré en France, et l’on étoit encore au même point d’ignorance et de superstition scolastiques qu’à l’époque où le grand penseur de l’Angleterre publia ses ouvrages. Il y a deux manières de redresser les préjugés des hommes ; le recours à l’expérience, et l’appel