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LA PHILOSOPHIE ET LA MORALE.

qu’on les distingue encore : cette métaphysique n’est conséquente que lorsqu’on en fait dériver, comme en France, le matérialisme fondé sur les sensations, et la morale fondée sur l’intérêt. La théorie abstraite de ce système est née en Angleterre ; mais aucune de ses conséquences n’y a été admise. En France, on n’a pas eu l’honneur de la découverte, mais bien celui de l’application. En Allemagne, depuis Leibnitz, on a combattu le système et les conséquences : et certes il est digne des hommes éclairés et religieux de tous les pays d’examiner si des principes dont les résultats sont si funestes doivent être considérés comme des vérités incontestables.

Shaftsbury, Hutcheson, Smith, Reid, Dugald Stuart, etc., ont étudié les opérations de notre entendement avec une rare sagacité ; les ouvrages de Dugald Stuart en particulier contiennent une théorie si parfaite des facultés intellectuelles, qu’on peut la considérer, pour ainsi dire, comme l’histoire naturelle de l’être moral. Chaque individu doit y reconnoitre une portion quelconque de lui-même. Quelque opinion qu’on ait adoptée sur l’origine des idées, l’on ne sauroit nier l’utilité d’un travail qui a