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DE LA PHILOSOPHIE ANGLAISE.

mais on a bien simplifié la question, et la raison conseille de supprimer en nous-mêmes tous les désirs et toutes les espérances que le génie, l’amour et la religion font concevoir ; car l’homme ne seroit alors qu’une mécanique de plus dans le grand mécanisme de l’univers : ses facultés ne seroient que des rouages, sa morale un calcul, et son culte le succès.

Locke, croyant du fond de son âme à l’existence de Dieu, établit sa conviction, sans s’en apercevoir, sur des raisonnements qui sortent tous de la sphère de l’expérience : il affirme qu’il y a un principe éternel, une cause primitive de toutes les autres causes ; il entre ainsi dans la sphère de l’infini, et l’infini est par-delà toute expérience : mais Locke avoit en même temps une telle peur que l’idée de Dieu ne pût passer pour innée dans l’homme ; il lui paroissoit si absurde que le Créateur eût daigné comme un grand peintre graver son nom sur le tableau de notre âme, qu’il s’est attaché à découvrir dans tous les récits des voyageurs quelques peuples qui n’eussent aucune croyance religieuse. On peut, je crois, l’affirmer hardiment, ces peuples n’existent pas. Le mouvement qui nous élève jusqu’à l’intelligence suprême se retrouve