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LA RELIGION ET L’ENTHOUSIASME.

ne jouiroit-on pas avec transport des talents de son fils, du charme de sa fille ? Quelle singulière ingratitude envers la divinité que l’indifférence pour ses dons ! Ne sont-ils pas célestes, puisqu’ils rendent plus facile de plaire à ce qu’on aime ?

Si quelque malheur cependant ravissoit de tels avantages à notre enfant, le même sentiment prendroit alors une autre forme : l’exalteroit en nous la pitié, la sympathie, le bonheur d’être nécessaire. Dans toutes les circonstances l’enthousiasme anime ou console ; et lors même que le coup le plus cruel nous atteint, quand nous perdons celui qui nous a donné la vie, celui que nous aimions comme un ange tutélaire, et qui nous inspiroit à la fois un respect sans crainte et une confiance sans bornes, l’enthousiasme vient encore à notre secours ; il rassemble dans notre sein quelques étincelles de l’àme qui s’est envolée vers les cieux ; nous vivons en sa présence, et nous nous promettons de transmettre un jour l’histoire de sa vie. Jamais, nous le croyons, jamais sa main paternelle ne nous abandonnera tout-à-fait dans ce monde, et son image attendrie se penchera vers nous pour nous soutenir avant de nous rappeler.