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LA RELIGION ET L’ENTHOUSIASME.

pensées sérieuses ne mêlent-elles pas aux impressions les plus vives ! La tendresse de cet ami, dépositaire de notre bonheur, doit nous bénir aux portes du tombeau comme dans les beaux jours de la jeunesse, et tout ce qu’il y a de solennel dans l’existence se change en émotions délicieuses, quand l’amour est chargé, comme chez les anciens, d’allumer et d’éteindre le flambeau de la vie.

Si l’enthousiasme enivre l’âme de bonheur, par un prestige singulier il soutient encore dans l’infortune ; il laisse après lui je ne sais quelle trace lumineuse et profonde qui ne permet pas même à l’absence de nous effacer du cœur de nos amis. Il nous sert aussi d’asile à nous-mêmes contre les peines les plus amères, et c’est le seul sentiment qui puisse calmer sans refroidir.

Les affections les plus simples, celles que tous les cœurs se croient capables de sentir, l’amour maternel, l’amour filial, peut-on se flatter de les avoir connues dans leur plénitude, quand on n’y a pas mêlé d’enthousiasme ? Comment aimer son fils sans se flatter qu’il sera noble et fier, sans souhaiter pour lui la gloire qui multiplieroit sa vie, qui nous feroit entendre de toutes parts le nom que notre cœur répète ? Pourquoi