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LA RELIGION ET L’ENTHOUSIASME.

sir ! Elles nous intéressent sans faire naître en nous ni remords ni crainte, et la sensibilité qu’elles développent n’a pas cette âpreté douloureuse dont les affections véritables ne sont presque jamais exemptes.

Quelle magie le langage de l’amour n’emprunte-t-il pas de la poésie et des beaux-arts ! Qu’il est beau d’aimer par le cœur et par la pensée ! de varier ainsi de mille manières un sentiment qu’un seul mot peut exprimer, mais pour lequel toutes les paroles du monde ne sont encore que misère ! de se pénétrer des chefs-d’œuvre de l’imagination qui relèvent tous de l’amour, et de trouver, dans les merveilles de la nature et du génie, quelques expressions de plus pour révéler son propre cœur !

Qu’ont-ils éprouvé ceux qui n’ont point admiré la femme qu’ils aimoient, ceux en qui le sentiment n’est point un hymne du cœur, et pour qui la grâce et la beauté ne sont pas l’image céleste des affections les plus touchantes ? Qu’a-t-elle senti celle qui n’a point vu dans l’objet de son choix un protecteur sublime, un guide fort et doux, dont le regard commande et supplie, et qui reçoit à genoux le droit de disposer de notre sort ? Quelles délices inexprimables les