Page:De Staël – De l’Allemagne, Tome 3, 1814.djvu/423

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
405
LA RELIGION ET L’ENTHOUSIASME.

semble accuser les Dieux d’avoir été jaloux du bonheur d’une mère, quel mouvement s’élève dans notre sein ! Quelle consolation l’aspect de la beauté ne fait-il pas éprouver, car la beauté est aussi de l’âme, et l’admiration qu’elle inspire est noble et pure ! Ne faut-il pas pour admirer l’Apollon sentir en soi-nlême un genre de fierté qui foule aux pieds tous les serpents de la terre ? Ne faut-il pas être chrétien pour pénétrer la physionomie des vierges de Raphaël et de St. Jérôme du Dominiquin ? Pour retrouver la même expression dans la grâce enchanteresse et dans le visage abattu, dans la jeunesse éclatante et dans les traits défigurés ? La même expression qui part de l’âme et traverse comme un rayon céleste l’aurore de la vie ou les ténèbres de l’âge avancé ?

Y a-t-il de la musique pour ceux qui ne sont pas capables d’enthousiasme ? Une certaine habitude leur rend les sons harmonieux nécessaires, ils en jouissent comme de la saveur des fruits ou de la décoration des couleurs ; mais leur être entier a-t-il retenti comme une lyre, quand au milieu de la nuit le silence a tout à coup été troublé par des chants ou par ces instruments qui ressemblent à la voix humaine ? Ont-ils alors